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L’ Association desAmitiés internationales André Malraux  propose entre avril et juin 2003.......

Hommage à Max AUB

                     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            NOUS SOMMES TOUS DES TERRORISTES

 

 

            Catalan, Français et Européen, je veux bien être qualifié d’Américain par le Directeur du Monde (1) si c’est pour exprimer mon émotion et ma solidarité, face à l’attentat barbare dont a été victime le peuple américain.

 

         Cet acte est intolérable, indéfendable, pour un citoyen occidental, qui vit -vivait jusqu’à ces derniers jours- dans un monde protégé et dans une certaine aisance matérielle. Cependant, du point de vue des « terroristes », qui estiment que les USA sont arrogants, tout-puissants, qu’ils jouent le rôle de « gendarmes » de la planète et s’acharnent sur des pays, comme l’Irak, dont le pilonnage aérien et l’embargo économique touchent bien plus les populations civiles que les dirigeants. Les organisations terroristes s’estiment en guerre, et dans un tel contexte, tout est permis, même les crimes les plus abominables.

 

Les pays occidentaux ont pu avoir, eux aussi, dans un passé récent, un comportement d’une violence indicible. Ainsi, la France, pendant la guerre d’Algérie, combattait les militants du FLN et utilisait la torture ou le massacre de civils, actes non qualifiés de « terroristes », mais dont la morale est bien douteuse…  Français, nous étions en 1940/45 en guerre contre l’ennemi nazi et pour la Résistance, tout était permis, même des actions « terroristes ».

 

         Pour les terroristes impliqués dans les récents attentats, la situation est claire : les Etats-Unis et ses alliés ont instauré une violence et un ordre impérialistes dans l’univers. Les Américains, eux, sont persuadés d’avoir créé « le monde libre », dont le symbole, non visé par les terroristes, est la statue de la Liberté. Cette liberté, ce territoire ont été conquis, il faut tout de même le rappeler, grâce au génocide des Indiens et à la mise en esclavage de millions de Noirs. Les deux tours du « World Trade Center », incarnation du « melting polt », de l’invention d’une Nation à partir du mélange des « races » et des nationalités, ne pouvaient tout à fait occulter les difficultés d’intégration de minorités raciales, marginalisées et laissées dans la pauvreté ; de temps en temps, des émeutes éclataient. Les terroristes, en touchant les tours jumelles, ont voulu abattre un orgueil conquérant exprimé par la hauteur et la verticalité du béton ; surtout, ils voyaient dans ces lieux du cosmopolitisme, du commerce international, les symboles de la société de consommation -quand le Tiers-Monde se contente de survivre- et de la mondialisation, synonyme de concentration capitaliste, de liberté d’entreprendre pour ceux qui possèdent le pouvoir économique et financier. Les deux tours de Babel, où les principales langues du monde cohabitaient, étaient, elles aussi, des sortes de statues de la Liberté, mais liberté de la finance, la démocratie américaine étant fondée sur la valeur du libre arbitre, plus que sur celle d’égalité.

 

         Ainsi, je suis et nous sommes Américains, quand l’Amérique parle de liberté, mais nous voulons savoir de quelle liberté il s’agit : pas celle de vouloir dominer le monde par l’internet anglophone ou par l’influence d’une langue et d’une culture hybride (mêlant boissons sucrées, images de Walt Disney, diffusion massive de clips et de chansons, création de films d’action ou d’anticipation, dont les terroristes semblent s’être inspirés, comble de l’ironie, en démontrant que le monde virtuel de l’informatique ou du cinéma pouvait devenir réalité : les tours sont bien « infernales » !)

 

         Oui, je suis Américain quand le courage et la solidarité de cette nation diaprée viennent libérer le vieux continent, même si c’est in extremis et pour venger l’honneur yankee, après Pearl Harbor. Je ne le suis pas quand le Viet-Nam et ses populations colonisées, sont détruits par les bombes et soumis à des expérimentations de gaz inédits ou de substances nocives. On ne peut non plus accepter la mainmise sur l’ONU : le droit de veto permet de diriger les conflits mondiaux au détriment des pays en développement ; les résolutions destinées à Israël, au sujet des territoires occupés, ne sont pas respectées. L’influence américaine crée le déséquilibre : Israël peut répondre aux pierres par des missiles, peut accepter les provocations d’un A.Sharon, qui permit naguère, en toute impunité et en toute connaissance de cause, aux milices chrétiennes du Liban d’égorger les enfants et les vieillards des camps palestiniens de Sabra et Chatila. (2) 

 

         Il faut être juste et employer le mot « terroriste » de manière universelle, dans toutes les situations et quelles que soient les latitudes. En ne dénonçant pas certains actes inqualifiables des dirigeants d’Israël, en acceptant les bombardements incessants des aviations anglo-américaines sur l’Irak, qui affament les populations au lieu de frapper les vrais responsables, nous sommes complices d’un terrorisme d’Etat. Nous sommes tous des terroristes si nous permettons à l’injustice et à l’inégalité de diviser le monde, si nous ne disons rien face à une longue exploitation du Tiers-Monde. En demeurant silencieux, nous laissons aussi dériver les mots, et avec eux, la logique et l’intelligence humaines : pourquoi un Saddam Hussein est-il pendant des années utilisé contre l’Iran ou les revendications du Kurdistan, et ensuite traité de « grand Satan » ? Le recours à la terminologie, religieuse : « la croisade contre le terrorisme », ou  manichéenne : « le monde libre contre les Islamistes », voire cinématographique : « guerre des étoiles » ou, à CNN, pendant les éditions spéciales sur les attentats « America under attack » rappelant des productions comme « Mars attacks », véhicule une idéologie « libérale », qui n’est pas innocente ou exempte d’actes injustes et violents. Pourquoi avoir armé les groupes de Ben Ladden, lui avoir donné des armes et des millions de dollars, pour ensuite ne voir en lui que le responsable des crimes actuels.. ? Pragmatisme, opportunisme, certes, mais il s’agit là de deux poids, deux mesures. Il est nécessaire de dire, face à un irrésistible discours médiatique unilatéral, qui prépare les publics occidentaux à la vengeance et à une déflagration démesurée, que l’Etat le plus puissant de la planète (3) a permis, par ses erreurs et son intransigeance, l’exaspération de minorités méprisées, et qu’il a, en outre, parfois formé, équipé ses ennemis d’aujourd’hui, ces terroristes aveuglés par le  fanatisme, et si désespérés qu’ils ne savent avoir recours, effectivement, qu’à la terreur. Ben Ladden est sans doute le fruit d’une politique des occidentaux au Proche Orient et des relations conflictuelles entre les acteurs de cette région du monde.

 

         Afin d’être moins terroristes nous-mêmes, soyons plus généreux à l’égard de peuples défavorisés et n’entrons pas dans la spirale de la vengeance, qui ne peut faire que le jeu des terroristes. Luttons contre eux, ici et maintenant, de façon mesurée, mais surtout en profondeur, c’est-à-dire en amont, vers les vraies causes de la révolte et de la guerre. En citoyens responsables, exigeons de nos dirigeants démocrates encore plus de démocratie, de par le monde.

 

 Face au terrorisme, il faut bien sûr opposer la fermeté ; face aux populations susceptibles de les soutenir, il s’agit surtout de faire preuve d’humanité. 

     

                                                Jean-Pierre Bonnel 

                                     (professeur de Lettres à Perpignan – animateur de l’association « Frontières » : www.frontieres-catalogne.com)

 

 

 

(1)     Editorial de Jean-Marie Colombani : Nous sommes tous Américains – Le Monde du 13/09/2001-      

(2)     Article de Mouna Naïm : Retour à Sabra et Chatila – Le Monde du 14/02/2001 –

(3)     Cette hyperpuissance s’appuie sur un dollar incontesté, une avance dans la Net technologie, une force de frappe militaire et culturelle sans précédent » - sous-titre du reportage « voyage au cœur de l’empire »- Une  du numéro spécial America – Le Monde du 20 octobre 2000 -

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