Une biografiction
Dans
Moi, Matisse à Collioure,
l'auteur laisse la parole au peintre, qui décrit ses joies et ses souffrances,
dans le petit port du début du XXème siècle. Oui, le narrateur du livre,
c'est bien Henri Matisse: "Moi, Matisse, je raconte …"
Cependant,
le narrateur, c'est aussi, ici, l'auteur, c'est-à-dire, moi, J.-P.B.,
le double du peintre. Je m'identifie à l'artiste; le je devient le il;
moi devient Matisse; de manière plus modeste, disons-le: " Matisse, c'est
moi" …Je me coule dans la peau, les yeux, l'esprit du
"Fauve"… Auteur et narrateur sont différents, et pourtant, ils ne
sont pas loin de former une seule et même personne.
Quant
à dire que narrateur, auteur et personnage constituent un beau trio, cela est
fort possible, bien que cette "trinité" tende à l'unicité… En définitive,
il s'agit de résumer: "moi je " et "moi Matisse" , voilà
le couple primordial. Cependant, pour simplifier, on pourrait aller jusqu'à
affirmer que, puisque l'auteur fait parler et vivre le peintre, en toute liberté,
il y a beaucoup de Matisse dans le moi du personnage, mais qu'il y a aussi pas
mal du moi de l'auteur dans ce "je" omniprésent. Qu'on veuille bien
pardonner à J.-P.B. cet excès de narcissisme…
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Avec
ce livre, se pose le problème du genre. Monographie d'un peintre, biographie,
roman, reconstitution historique ou autobiographie déguisée..? Tout cela est
bien complexe! Décidément, ça fait mauvais genre!
Ah!
Le genre, encore, va-t-on dire… N'est-ce pas, aujourd'hui, une notion dépassée
? Une affaire de classification appartenant au passé ? En effet, désormais, la
poésie a - physiquement, formellement- des airs de prose, et celle-ci, se
nourrissant souvent de poésie, on est dans le "proème" ou le "prosème";
on produit "du texte", mais fini le genre, qu'il soit poétique,
dramatique, épidictique, etc… Pourtant, la notion de genre était commode,
pour mettre de l'ordre dans l'afflux massif des productions littéraires.
Surtout, elle permettait au lecteur d'y voir plus clair: celui-ci veut encore y
croire, aux genres!
Alors,
pour montrer que ce texte à la première personne, fait d'imagination et de
subjectivité, traite d'un grand artiste, en se fondant sur la vérité d'une
vie, sur des témoignages et sur des analyses esthétiques, je serais tenté de
l'appeler une "biografiction".
"Matisse à Collioure"
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Dina Vierny vue par
Matisse (1949)