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Pacte de lecture
Voilà, vous nous lisez: cette rencontre, d'une certaine façon, engage
votre participation, plus, peut-être, votre complicité. Voulez-vous, avec
nous, depuis la spécificité de notre culture catalane, orienter nos réflexions
à l'aune de l'universel. Il y a près de sept siècles, le père fondateur de
la langue catalane, le "docteur éveillé", Raymond Lulle ( Ramon Lull,
en catalan), engagea son existence jusqu'au martyr (en 1315) à œuvrer à la
conciliation des trois religions dominantes : la juive, la musulmane, la chrétienne.
De Tordesillas à Yalta, les blessures de l'Histoire ont parcheminé de
cicatrices toujours béantes l'épiderme de notre planète. A l'heure où
l'Europe, florissante, pense-t-on, se délivre du barbelé de ses frontières,
à sa périphérie, elle installe un impitoyable et draconien refus à l'accueil
des misères du monde. La proclamation à tout-va du "devoir de mémoire"
et les grands mouvements d'indignation médiatico-démagogique occupent le
terrain laissé vacant par les idéologies à visée révolutionnaire ; ainsi dédouanés
des combatives volontés d'engagement, pourquoi ne pas s'installer lâchement
dans le paresseux et rassurant repliement identitaire ?
Barcelona,
Catalogne sud, nord de l'Espagne, Perpinya, Catalogne nord, sud de la France,
chiasme géopolitique insolite, mais significatif, dont le cœur du X m'évoque
la forme du sablier ; étroit goulot d'une trouée pyrénéenne, lieu de
naissance, sempre andaban, de l'homo catalanus Tautavelencis, précoce à l'érection,
grand pourchasseur de rennes et mangeur d'escargots; chas d'aiguille jadis défoncé
par de noirs pachydermes; pressé comme un abcès par les fascismes du XX me siècle;
en quelque sorte "attracteur étrange", selon la formule des
physiciens du chaos déterministe. La vision de Salvador Dali d'y entrevoir
quelque centre du monde n'est pas si absurde…Cette dernière ligne de démarcation
entre Sud et
Nord, dernière porte étroite s'offrit comme une issue de secours à la
plupart des grands artistes qui fuyaient le nazisme. S'enorgueillir
d'une légitime fierté d'appartenir à ce pays et de l'aimer, nous y
souscrivons pleinement, à condition que nous ayons pris la mesure de nous départir
d'une certaine réserve d'indifférence, voire d'hostilité à l'endroit de l'étranger;
l'exemplarité dramatique de la ne cesse de nous interpeller; de même, que
penser de l'aveuglement et l'ignorance quant à la présence chez soi des plus
grands artistes du siècle: Picasso, Matisse, Derain, Braque, Dufy, Casals, Déodat
de Séverac… Il serait grand temps enfin de dénoncer ces pourfondeurs
grotesques qui maintiennent encore un anathème injustifié et scandaleux à
l'encontre de notre grand Aristide Maillol. Maillol et Picasso, ces deux
Catalans, "l'un d'origine, l'autre d'adoption",(dixit Jacques Henric),
artisans majeurs du basculement de l'art dans la modernité, leur rencontre avec
l'abstraction, signale les retrouvailles -Gauguin avait montré la voie- avec
les traditions artistiques les plus éloignées dans l'espace et dans le temps.
Ce lointain si proche, qui nous révèle au plus intime de notre être et qui
fonde la certitude de notre commune appartenance à la dignité et à la
grandeur d'être humain…
La
fréquence bi- annuelle de notre revue vous conviera à la réflexion et au débat
d'idées et à la rencontre avec des artistes confirmés ou avec des talents à
découvrir. Ce premier numéro s'est résolument orienté vers un
approfondissement esthétique d'une actualité exceptionnelle. Notre prochaine
publication est centrée sur une thématique qui pose le problème de l'humain
par le biais d'une approche multidisciplinaire: historique, sociologique,
scientifique, politique, etc, à laquelle participent des chercheurs, artistes
et écrivains de notre région. André
ROGER
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