L’ancien agriculteur et dirigeant syndical vient de publier un neuvième livre, intitulé On en parle au village : il s’agit d’un recueil de nouvelles, illustrées par Marie-Cé.

 Enfin, des nouvelles de Jean-Paul PELRAS !

       A force de le voir dans l’actualité des médias et des révoltes agricoles, on a pu se faire de J.P.Pelras une image inquiétante : c’était ce grand méchant loup , le poujadiste violent, l’éternel mécontent, qui taguait notre fière préfecture, maculait du rouge vif des tomates espagnoles le précieux cayrou du bel hôtel du département et bloquait les rues et avenues, qui nous permettent, à nous tous dévoués fonctionnaires, de nous rendre dans nos esthétiques et sécurisées cités-dortoirs ! Cités-pourrissoirs, villes-lupanars, estime le Pelras nouveau, qui dresse le portrait du village utopique. Cependant, à le fréquenter de plus près, c’est d’un homme affable et gentil, plutôt rond et sans aspérité qu’il s’agit ! L’auteur serait rentré dans le rang, il serait désabusé, comme dans son dernier livre, à la tonalité pessimiste : Attention à la tête ; J.P.P. est sans doute, en effet, à l’image de la conception graphique et matérielle de ce recueil de courts récits : le format, à l’italienne, est horizontal, car l’homme d’aujourd’hui a perdu ses repères , ses rêves et ses idées ; il n’est plus debout et ses représentants, ses élus, se  couchent devant le veau d’or du mondialisme libéral. La quatrième de couverture livre un texte inspiré de Pierre Bosc, sur fond noir, tandis que la « une » semble un faire-part mortuaire : par bonheur, le cadre couleur du deuil met en valeur le dessin coloré de Marie-Cé, célébrant d’un trait quelque peu naïf le bonheur bucolique et l’éternelle beauté de la communauté villageoise.

 

            Ce livre aux tons variés, passant aisément de la tendresse à l’humour et du tragique à l’ironie, dit surtout un monde pourri, et note, sans animosité, la complicité entre les notables, les élus et « les responsables de ceci et les présidents de cela, à serrer des mains, à embrasser la veuve. C’est comme ça qu’on les reconnaissait. Les vrais paysans portaient plutôt des blousons en Tergal ou des vestes de velours » (page 49). Le narrateur raconte aussi sa déception, face à ces paysans « bien renseignés, conseillers municipaux pour la plupart, qui vivent à présent loin du besoin et du bruit » et ont vendu leurs terres à des promoteurs sans vergogne. Le « pays » est peu à peu bétonné, envahi, mais aucune revendication régionaliste, aucun réflexe de « catalanité » chez l’auteur ; simplement, on constate de façon poétique, mais dans une grande mélancolie et une immense amertume retenue, la mort des campagnes : « La ville, de plus en plus proche, agrippe ses ongles noirs sur le granit des vieilles pierres. Elle assoit ses enfants à l’ombre du grand cèdre où elle fait pisser ses chiens un peu avant la nuit. » (page 65).

 

 Ce livre paraît lisse, facile et superficiel ; en réalité, il est vécu, senti, au plus profond des entrailles intimes. C’est un livre de travailleur manuel, qui donne une leçon d’écriture aux fonctionnaires de la phrase. Il faut revenir sur l’évocation rapide de la jeunesse, à la page 62 : « On ne s’attache pas quand on a vingt ans. » ; il faudrait parler des métaphores de la campagne, s’opposant aux personnifications sinistres de la ville ; ou dire combien on aime la description fantasmagorique des fourmis dans le texte « Madrid ». On peut aussi, certes, s’irriter de l’utilisation récurrente du langage familier, de l’emploi facile du « ça » ou de l’abus de l’anaphore : « les autres, ils…les militaires, ils…(pages 145-146), mais ce ne sont là que des broutilles. Car l’ensemble est admirable, depuis le tragique de « Un soleil sur la porte », jusqu’aux sarcasmes du « Candidat », deuxième adjoint chargé de l’entretien des… ruisseaux ! Il s’agit là, plus que de mots, d’un livre de sentiments, pluriel et diapré.  Un livre qui semble « parlé » tellement il est aisé à lire, mais, ne vous y trompez pas, le style est simple car il est des plus travaillés. Des plus écrits ! Un livre qui vous étreint et peut vous coûter quelques larmes. Peu importe : même si elles sont parfois tristes, nous sommes heureux d’avoir eu des nouvelles de Jean-Paul Pelras. De bonnes nouvelles : lisez sans attendre l’évangile nouveau de J.P.P…

                                                    

                                   

                                                Jean-Pierre Bonnel

                                                                                                           

 

-------

 

* J.P.Pelras signera et présentera son recueil de nouvelles le 20 juillet prochain à Escaro. Pour tout renseignement, écrire à l’auteur, 1 rue des Grenaches, 66540, Baho. (04.68.92.35.03.)-

 

   Œuvres de J.P.Pelras, aux Editions « Llibres del Trabucaire » : La coïncidence (1995), La Grève (1997) Ceux qui dérangent et ceux qui s’arrangent (1999)t, Le voyage de Jules, La grève.

   En auto édition (Pelras « de la terre à la plume ») : Les portes moustiquaires (roman-1991), Pristina, poste restante (Journal, 2000), L’affaire Christian Soler (essai-2000), Attention à la tête-(petites conversations, 2001) -

 

 

Accueil