A l’occasion du centenaire
de Jean Mermoz, donnant lieu à de nombreux livres sur l’aviateur, et de la célébration
des 90 ans de l’aviation…
MERMOZ en SALANQUE
(1925 et 1930)
La légende du célèbre aviateur Jean Mermoz s’acheva le 7 septembre 1936. En effet, à 10h43 précises, La Croix du sud, qu’il pilotait, lance le message suivant : Coupons moteur arrière droit. » On attendit l’appel suivant, qui ne vint pas. Le silence. Eternel. Le héros le plus « pur » de l’aviation française venait de disparaître, au-dessus de l’Atlantique sud. Un mythe meurt, mais il faut revenir au début : à l’aventure de l’Aéropostale.
C’est Pierre Latécoère, constructeur d’avions à Toulouse, qui conçoit, après la première guerre mondiale, une idée incroyable : relier par les airs le midi de la France à l’Amérique du sud, en survolant l’Espagne, le Portugal, l’Afrique et l’Atlantique. Le projet est de transporter, rapidement, du courrier postal ; ainsi, la France occuperait la tête d’une course commerciale convoitée par l’Allemagne, le Canada et les USA.
La Salanque entre alors dans l’histoire de l’aviation ; en effet, en 1925, à l’époque de l’ouverture de la ligne aérienne qui relie Marseille à Alger, Latécoère fait construire le camp d’hydravions de Saint-Laurent. Prévu, dans un premier temps, pour servir de base de secours, il est utilisé pour le montage et les essais des hydravions long-courriers : Toulouse se préparait au grand saut de l’Atlantique, jusqu’aux cotes brésiliennes! Pourquoi St-Laurent ? Le plan d’eau est bien adossé aux Corbières et les terrains, importants –150 hectares-, sont acquis de façon rapide et assez aisée, même si certains habitants sont récalcitrants : en effet, ces parcelles de terre salée sont achetées à des prix dérisoires. Les grands travaux suivent : une grande jetée de 80 mètres, une grue géante pour tirer les hydravions de l’étang, d’énormes hangars servant de remises et d’ateliers, des bâtiments pour le personnel…Enfin, de gros appareils métallisés, provenant de Toulouse, se posent pour la première fois sur l’eau salée de la Salanque : la population est venue, en famille, assister au spectacle ! Elle va s’habituer à croiser, dans le village, ces héros de l’air, les Guillaumat, Saint-Exupéry et Jean Mermoz. Ils logent à… « L’Hôtel des voyageurs », tenu par M.A. Martin, rue François Arago. Avec leurs mécaniciens, ils quittent parfois la table de St-Laurent, régie par Alphonse Casadevaill, pour se régaler à « La langouste qui chante », au Barcarès.
Ainsi, la base de St-Laurent était devenu le champ d’essais et de mises au point des gros longs-courriers, avant leur mise en circulation sur la plus longue ligne aérienne du monde. Le Laté 32, à coque bois et métal et à voilure entoilée fait son baptême de l’air salanquais, en mars 1928, avant d’entrer en service sur la ligne Marseille-Alger. Ensuite, ce sont les essais de cinq hydravions à flotteur de transport, du type Laté 28, de six hydravions Laté 38 et d’un Laté 34 : arrêtons-nous sur ce dernier hydravion ; en effet, il se désintégra en vol, le 2 avril 1930, devant le Barcarès, pendant les essais de survitesse. L’équipage, constitué du pilote Yves Prévost et du mécanicien Alfred Hof (marié à Espérance, une jeune femme de St-Laurent), mourut dans cet accident.
Jean Mermoz revient à Saint-Laurent en mars 1930 ; il va s’entraîner pour obtenir son brevet de pilote d’hydravions ; quelques jours après, il passe ce brevet à Marignane. J.Kessel consacre, dans sa biographie de Mermoz, tout le chapitre trois au séjour de l’aviateur à Barcelone (rue des Cortes, en 1925) ; il ne cite Perpignan qu’à trois reprises, pages 212, 224 et 224, et de façon furtive…Quant à Saint-Laurent, où Mermoz demeura une semaine, pour faire des essais, mais, en raison d’une forte tramontane tenace, il dut se rabattre sur l’étang de Berre, voici comment le village est évoquée, à la page 323 : « Mermoz devait commencer les essais du Laté 28 à flotteurs sur le lac St-Laurent (sic ! Kessel confond-il avec le Québec ?), aux environs de Perpignan. Mais il passa toute une semaine dans cette ville sans pouvoir rien entreprendre. » Apparemment, l’auteur du Lion n’est pas venu ici, sur place, rechercher des documents ou des témoignages pour sa biographie. Il est vrai que les périodes africaines ou sud-américaines sont plus exaltantes…
Le 4 mai 1930, Mermoz et son équipage s’envolent de Marignane pour St-Louis du Sénégal. Ils ne reviendront plus à St-Laurent. C’est Saint-Exupéry qui y revient, en avril 1934, en compagnie de Gonard, chargé d’entraîner l’auteur du Petit Prince au pilotage des hydravions de gros tonnage : le Laté 381, pour la marine. St-Ex essaie aussi à St-Lau des torpilleurs à flotteur du type Laté 290 : il repart ensuite à St-Raphaël terminer les essais. A partir de ce moment-là, la base laurentine est abandonnée, de façon définitive. C’est la guerre de 39 qui en est la cause : on démonte tout ce qui peut l’être et on transfère le matériel sur d’autres sites ; ne demeurent que les cantonnements, qu’on peut encore voir aujourd’hui. Les troupes allemandes atteignent St-Laurent le 12 novembre 42 ; ils installent des blokhaus et un champ de tir près du camp d’aviation ; des champs de mines coupaient le village du Barcarès, de St-Hyppolite et de l’étang.
Après de nombreux exploits, tels que la première traversée postale sans escale de l’Atlantique et le record du monde de distance en circuit fermé pour avions : 8960kms en 59 heures de vol, Jean Mermoz meurt le 7 décembre 1936. Il disparaît avec son équipage, lors de sa 24ème traversée de l’Atlantique sud, sur l’hydravion baptisé « Croix du sud ». Afin de garder en mémoire le séjour du fameux aviateur à St-Laurent de La Salanque, le conseil municipal décide, le 19 avril 1979, de donner, au Collège du village, le nom de Jean Mermoz.(*) L’année dernière, le Principal de l’Etablissement, M.Dessège et son conseil d’Etablissement, décidèrent de faire installer, par les artistes Sécall de Toreilles, une céramique célébrant l’épopée aérienne de Mermoz.
Avec J.Kessel,
revivons la vie brève et intense du célèbre aviateur, dont il dresse un
portrait inoubliable : « Archange glorieux, neurasthénique
profond, mystique résigné, païen éblouissant, amoureux de la vie, incliné
vers la mort, enfant et sage, tout cela était vrai chez Mermoz, mais tout cela
était faux si l’on isolait chacun de ces éléments. Car ils étaient fondus
dans une extraordinaire unité. »
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* Le Mermoz , le « journal qui d’école »,
a publié un dossier sur Mermoz, avec le témoignage d’un des derniers témoins
de cette époque : M.Honoré MANYA - janvier
et juin 1999 (n°16 et 19)- Collège J.Mermoz : 04.68.35.21.37.
** Ouvrages récents sur Mermoz :
Mermoz, par Catherine Herszberg et Anne Proenza, la biographie
du centenaire (Ed.Le Cherche Midi)-
J.Mermoz défricheur du ciel, correspondance 1921-36 (Ed.L’Archipel)
- Mermoz-Cousinet ou le rêve fracassé de l’Aéropostale (Ed.Atlantica) –
P.Baudry : Mermoz toujours vivant (1999)- G.Darnaud : Le vol
du Mermoz (2000)
*** Livres plus anciens, mais essentiels :
* Jean Mermoz,
par Joseph Kessel (Folio n°232- éditions Gallimard)- * Mes vols,
souvenirs de J.Mermoz (Edition Flammarion), où il raconte sa vocation et ses
aventures dans les déserts d’Afrique et de Syrie, au-dessus de la forêt brésilienne,
des arêtes neigeuses des Andes…
* Nombreux textes de Saint-Exupéry sur Mermoz ; d’abord, un
portrait en action, dans Terre des hommes (Gallimard), livre dédié
à Henri Guillaumet : le meilleur témoignage sur l’épopée de l’Aéropostale ;
puis, des articles, publiés entre 1933 et 1937, dans la revue « Marianne »,
repris dans l’Edition de ses œuvres complètes dans La Pléiade
(Gallimard)
* Le film de Marcel
Bluwal, sorti en avril 1999 : « Le plus beau pays du monde »,
avec T.Lhermitte, Laurent Malet, J.P.Cassel, Danièle Lebrun, Marcel Maréchal.
* L’AIR,
sculpture de Maillol (Les Tuileries, 1938) est un « hommage à J.Mermoz. »
Recevant la commande d’un monument à la gloire des équipages, pionniers
de la ligne France-Amérique du Sud, destiné à Toulouse, il l’exécute
en moins d’un mois. Cette figure est une invention étonnante : cette
femme, en équilibre sur la hanche droite, suggère le mouvement aérien et
l’image d’un avion. Cette légèreté, née de la lourdeur même du bronze,
est atténuée dans le site initial de Toulouse : en effet, la figure, en
pierre, est supportée par une draperie en forme de vague.(d’après Dina
Vierny, dans L’abécédaire de Maillol)-