Les Arago, François et les autres, la saga savante et passionnante de François Sarda, vient de sortir aux Editions Tallandier.

 

L’avocat François Sarda vient de publier (1) l’histoire passionnante de François, Etienne, Marguerite, Lucie, Emmanuel et les autres…Afin de traduire l’influence et l’emprise de ce lignage, l’auteur n’hésite pas à parler d’Aragocratie ! Nous l’avons rencontré, fin avril, à Perpignan.

 

Les ARAGO, quelle famille !

 

 

François Sarda, avocat honoraire au Barreau de Paris, ancien secrétaire de la Conférence de stage, vient de publier la formidable saga de la famille Arago, originaire de Tautavel et d’Estagel. F.Sarda fut aussi le maire du petit village de Campôme, dans les Pyrénées-Orientales (2), mais ce n’est pas là, sans doute, le fait marquant de sa carrière, passée loin du pays catalan…En effet, l’auteur de livres remarqués, dont un « Que sais-je ? » des Presses universitaires, sur la justice, fut d’abord le major de sa promotion ; à vingt-neuf ans, il entre déjà dans la gloire puisqu’il devient le troisième plus jeune avocat, en compagnie de Tixier Billancourt, dans l’affaire des « fuites » de l’Observatoire, pour défendre un certain

François Mitterrand ! Ensuite, pendant vingt ans, F.Sarda est l’avocat du quotidien « Le Monde », dirigé à l’époque par Hubert Beuve-Méry. Ses coups d’éclat concernent encore la défense de la mairie de Paris –avant le système Chirac- de l’Etat, d’organisations agricoles, comme le CNJA ou l’Ordre national des experts-comptables…François Sarda parle haut et fort, il passionne son auditoire quand il revient sur son riche passé :

 

« Mitterrand, je ne l’ai pas suivi politiquement, mais nous avons gardé des relations amicales. Nous n’étions pas du même bord : je me suis présenté à des élections législatives, en tant que gaulliste de gauche…Les autres grands procès, dans lesquels j’ai plaidé ? Je me suis battu contre les assassins de Georges Besse, l’ancien PDG de la Régie Renault ; j’ai aussi été partie civile contre Buffet et Bontemps, dans ce qui fut l’horrible « tragédie de Clairvaux » ; enfin, ma carrière s’est achevé avec « l’affaire de Drac », à Grenoble, où j’ai plaidé en faveur de l’institutrice. »

 

F. Sarda prit donc sa retraite et se mit à …travailler : plutôt, il revint sur ses racines, fit des recherches aux Archives départementales pour écrire un livre sur ce lieu qui lui tient tant à cœur, Campôme ! Et Arago, alors, pourquoi en être venu à écrire ce gros livre sur le clan Arago.. ? « J’ai toujours eu de l’intérêt pour les Arago. Comme tout perpignanais, je pense, qui connaît avant tout François ; je portais aussi de l’intérêt pour Etienne, mais sans plus. Puis j’ai découvert un jour dans le Grand Larousse toute la smala : c’est passionnant ! Alors j’ai lu Etienne Fresney et Muriel Toulotte. Entre-temps, les éditions Tallandier voulaient publier un ouvrage sur les Collaborateurs et les Résistants ; ils avaient des appréhensions ; ils m’ont demandé si je voulais lire cette étude et leur signaler des erreurs, rédiger des additifs…J’avais le temps : j’étais à la retraite ! C’est ainsi que je publie Les Arago, François et les autres dans cette maison d’édition : mon travail s’est étalé sur une vingtaine de mois. Ce fut un travail passionnant ! Figurez-vous qu’on a retrouvé les plaidoieries d’Etienne aux Archives du barreau de Paris ! »

Dans la préface du livre de F.Sarda, Emmanuel Leroy Ladurie, qui connaît bien la région et le midi, replace la lignée « aragothique » dans le contexte historique : « L’aire roussillonnaise s’est donné d’extraordinaires « marqueurs », sous les auspices et apparences fort consistantes de la famille Arago, crème de la crème des populations nord-catalanes…Les XVIIe-XIXe siècles donneront enfin sa chance au grand lignage de ces mêmes Arago venus de Tautavel et d’Estagel, minuscules paroisses de Catalogne : elles font penser, dans l’Ariège toute proche, à ce qui fut si longtemps le village de Montaillou, perdu dans un anonymat pas toujours propice. » L’auteur de l’Histoire de France des régions (3) explique encore, avec beaucoup de « style » et d’humour l’influence politique de la famille Arago : « La gauche française doit beaucoup à la tribu « dix-neuviémiste » des Arago, qui fut pour cette formidable entité sinistriste une manière de Canigou idéologique, resplendissant de probité candide et de blancheur. Mais la droite a sa part, aussi, quoique pas toujours triomphale, des accomplissements de la redoutable tribu, celle-ci incarnant les avancées triomphalistes d’une démocratie méridionale en marche vers les rives de la Seine… »

 

Fort de cette énergique et érudite présentation apéritive, François Sarda le « juriste, l’historien franco-catalan, le généalogiste éclairé, l’architecte d’un pont transbordeur reliant Salses et Collioure aux fastes très parisiens de Républiques successives », peut dérouler le formidable roman, l’épopée méconnue, plutôt, de la famille Arago. « Quelle famille ! », en effet, peut-on s’écrier. Sacrée famille, les Arago ! Oui, mais ici, famille, je vous aime ! Et François, surtout, qui occulte le reste de la couvaison, un sacré numéro, celui-là : il mesure le méridien en 1806, entre à l’Académie des sciences à vingt-trois ans, en devient secrétaire perpétuel en 1830 et dirige l’Observatoire de Paris ! Il est ensuite élu député sous la monarchie de Juillet ; à l’occasion de la Révolution de 1848, il prend rang de chef d’Etat, pendant six semaines, et signe l’abolition de l’esclavage. Il refuse de prêter serment à l’Empire, mais Napoléon III lui consacre es obsèques nationales. Au pays catalan, on ne connaît que lui, François, qui possède une place célèbre à Perpignan, une statue, inaugurée par Jules Ferry n 1879, un lycée, un pont, un square, une vaste salle à l’hôtel de ville ; à Banyuls, l’observatoire océanologique et le laboratoire portent son nom ; et à Etagel, bien sûr, là-bas, c’est l’idole, plus que Che Guevara ou Mandela : une place, une rue, une statue et des fêtes annuelles, fin août, en son honneur ! Cependant, le citoyen du Fenouillèdes ou l’habitant de Perpignan connaît beaucoup moins le père de François : ce paysan fut pourtant maire royaliste d’Estagel, responsable montagnard des Pyrénées-Orientales et fonctionnaire des finances de l’Empire. Etienne, ensuite, le jeune frère de François, mérite qu’on s’attarde à sa carrière : il crée, en 1826, le premier « Figaro », le timbre-poste en 1848 et devient maire de Paris le 4 septembre 1870 ! Il écrit aussi des chansons, des pièces de théâtre, prend la direction du Théâtre du Vaudeville, il est l’ami d’A.Dumas. A la fin de sa vie, ce « vieux combattant de la République », comme l’écrit F.Sarda, devient conservateur du musée du Luxembourg, qu’il contribue à rénover. Oui, Etienne Arago est bien le Victor Arago des P.O. et on l’ignore trop ! Il faudrait ensuite parler de son fils, Emmanuel, avocat d’opposition sous la Monarchie de Juillet, raconter les aventures de deux autres frères de François qui deviennent colonel et général  de l’armée mexicaine ! Un autre frère fait le tour du monde ! Un cinquième s’illustre au siège d’Anvers ! Un beau-frère, astronome, député républicain, préside l’Académie des Sciences ! Et n’oublions pas les femmes de « l’aragocratie » : Marguerite, Lucie et bien d’autres…

 

Vous avez compris : il ne s’agit pas d’égrener ici le long chapelet de la famille aragotique. La seule façon de savoir tout et le reste sur le formidable feuilleton de la « gens arago tautavelo-estagelloise », il suffit de se ruer sur l’ouvrage historique de François Sarda. Il faut, d’urgence, lire son étude savante. Elle fera date, la saga Sarda...

 

 

                                                                                                Jean-Pierre Bonnel                                                                                                  

 

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(1)   aux Editions Tallandier , mai 2002, Paris, – avec une préface d’Emmanuel Le Roy Ladurie, de l’Institut-

(2)   dans le canton de Prades- C’est Claire Sarda-Vergès, la fille de François Sarda, qui est actuellement la « mairesse » de ce village de 110 habitants.

(3)   Le Seuil, Paris, 2001- (le chapitre VI est consacré au Languedoc-Roussillon)- François Sarda nous a confié qu’il avait confié la préface à Emmanuel Le Roy Ladurie parce qu’il le connaissait depuis longtemps, à l’époque de l’affrontement entre syndicats étudiants, l’Historien étant alors militant du pari communiste français.

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* Sur François Arago, F.Sarda ne fait référence qu’à un seul ouvrage, publié chez Belin : La jeunesse de la science. L’auteur en est Maurice Daumas, le père de Dominique Alduy, au Directoire du journal « Le Monde », avec J-Marie Colombani. Il faut noter que François Sarda a écrit, dans « Le Figaro » du 9 février 2002, un article sur Etienne Arago, à l’occasion du bicentenaire du créateur du premier « Figaro ».(cf. Frédéric Segu : Le premier Figaro, 1826-1833, Paris, 1932)

* Sur Etienne Arago, se reporter à la thèse, dirigée par Jean Tulard, de Muriel Toulotte, écrite en 1987 et rééditée par Les publications de l’Olivier, Perpignan, 1993 : Etienne Arago, 1802-1892, Une vie, un siècle-

* Sur le père de François Arago, lire l’ouvrage d’Etienne Fresnay : Arago et Estagel…, son village natal – mairie d’Estagel – 1986 –

* Sur les bustes, article d’Olivier Poisson, dans Terres catalanes - 

* Sur les statues, étude de Michel Cadé : « Les inaugurations des trois statues d’Arago dans les Pyrénées-orientales », dans Les Annales du Midi n°183, juillet 1988.

 

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