Alphabets

pour Raymond

le jour de la rencontre

avec Victor Hugo

qui lui envoya une

lettre alors qu il

faisait ses ablutions

rituelles dans l’œil

de Courbet.

 

 

Le jour où le maquisard de la Berbeyrolle conduit

par la gendarmerie motorisée à la prison de Tulle,

crie au milieu des portes qui claquent et se referment

- nous sommes entrés dans un alphabet.

(Terrible ce visage qui savait POURQUOI il serait

condamné - alors que policiers tortionnaires, juges ne le

sauraient jamais).

 

*

 

Babel c’etait déjà (c’est encore) l alphabet

La manne c’etait aussi l’Alphabet cherchant dans le

désert les pages du LIVRE.

Ils sont devenus le destin des peuples (nations)

Leur déclin aussi.

 

*

 

Ces déchets de civilisation industrielle à travers

lesquels ils vivent en grande captivité ne réussissent

plus à assembler les vocables de Délivrance.

(Ils se souviennent signes décrits dans le ciel par le

vautour à la recherche de sa prose, parce que les

enfants du vautour ne naissent pas en captivité).

 

*

 

Les camps de concentration furent soudain leur prophétie

(et à travers eux tous ceux qui les avaient écrits ,

gravés, transcrits, transformés).

 

*

 

Le pari de la première nuit de prison : Un Alphabet

pour parler avec Dieu (apprendre l hébreu). Un Alphabet

pour parler avec la Création (apprendre le chinois). Un

Alphabet pour parler avec la Création parallèle (le Romain,

une ville futuriste sans futur depuis des siècles - il sait qu il n en sortira pas).

 

*

 

Ainsi commence le Mur comme langage.

 

*

 

- Alphabets aveugles, et les sourds-muets dont il

reste les signes morses pour la communication à distance.

Alphabet solitude de Capero voyant naître chaque matin

dans l’hôpital psychiatrique où le militantisme l’avait relégué,

un alphabet qui mourait chaque soir ne lui laissant le temps

que d’effleurer quelques lettres avec son esprit sans pouvoir les

approfondir, en déterrer le sens .

 

-Alphabets qui n existent que le jour et que la nuit

disperse (disfond) quels combats livrent-ils ?

 

-Alphabets périphériques qui n’existent que la nuit et que le

jour dessèche de quelles inquisitions sont-ils l’appât ?

 

-Les alphabets otages de l’histoire (ainsi parle Malatesta)

et dont on ignore la rançon qui les remettait en

circulation.

 

-Alphabets saisis à l imprimerie centrale par les Tupamaros

Les pires ennemis de ceux qui n’ont pas le pouvoir,

expliquent-ils.

 

-Alphabets simples comme un rêve d avenir nihiliste :

LA CITÉ DU SOLEIL.

Il y a passé dans chaque alphabet le tripot, l’enjeu,

la dernière chance, le barillet avec la balle

unique.

Chaque caractère est le chiffre d’une roulette où se

rencontrent les différents sens du mot.

 

-Alphabets en manque de fraternité, perdue la

connivence avec les éléments de l univers, ses

correspondances dérobées.

 

-De quelle confrontation sont-ils le rêve jamais

atteint (alphabet Bakounine dont le grand

soir est toujours pour demain) et ceux qui ont

accroché leur lendemain à la lune marmottant

le destin à l’homme comme mur un chapelet dont les

grains répètent toujours le même calendrier.

 

-Alphabets pollen dont la seule raison d exister

est le vent qui transporte.

 

-Alphabets intérieur dont le seul savoir est

l’eau qui coule.

 

Les voici caravanes traversant les déserts de la

mise en commun.

Caravanes devenues routes à mesure qu’elles avancent

caravanes se succédant vers un toujours ailleurs

de la parole

la pierre promise

ou le mur

ou ils pourront pousser comme la végétation

 et avoir l’âge des quatre saisons

 

Commencer

où l’alphabétisation est devenue uniforme de pensée : LA VILLE

La lettre n’a plus qu’un seul pied flexible

une face, pas de dos, des mains pinces articulées

et un gros œil télescopique

elle entre dans le jeu de miroirs métaphoriques

où se perdent les sociétés.

Chaque lettre d’une ville marche à reculons

fixée sur son corps d’hier.

elle est mémoire flottante, opinion errante

bribe de mémoire/ pour informer le corps urbain.

 

Rêve des alphabets qui forment une ville :

Êêtre un lieu qui déplace ses monuments

ses fantasmes, ses statues, ne rien laisser à sa

place d’origine, baptiser et rebaptiser sans cesse.

Même les morts, on les enterre, déterre, réenterre

(disposition typographique) Remue ménage perpétuel

des Dieux et des Hommes.

 

De combien de dieux amputés, paralysés, cul-de-jatte les

Alphabets sont-ils la fable ?

D’hommes paralysés, amputés, aussi

 

Comme les trois Weathermen réunis autour

de la construction d’une bombe, qui à peine

assemblée les volatilisa.

 

Trois pierres réunies autour du feu

(et devenues signe de l’Alphabet)

 

          ¯                               ¯                                      ¯

          En devenant          Le SIGNE                     LE SIGNE

                   SIGNES            que nous sommes         et ses réacteurs

         Nous avons lutté        devenus                        (il peut voler)

                                           Contre la                         nous a mis

                  Pesanteur                debout

 

( Recension minutieuse des errances de l’être

et sa projection sur quoi ?

il y a une autre pesanteur

elle aussi s’est mise debout )

 

Qui fait les Murs ?

Les graffitis ou bien

Les pierres lorsqu’elles deviennent lettres

de l’alphabet.

 

Les pierres deviennent Mur

Et le mur une croyance que les graffitis

Voudraient remettre en cause

 

Sur tous l’Apocalypse froide des

Foires aux signes

( Les Jeux Olympiques

    Les championnats du Monde)

 

La naissance sur les Murs

de langage Muet

 

en lui se rapatrient

toutes les Histoires des Alphabets

avant d’exploser

 

Comme le capitaine Lomasney

qui fut déchiqueté

alors qu’il essayait de miner

le pont de Londres

 

 

HOMMAGE AUX GRAFITTIS

*

Suffit – il d’échapper aux caractères algébriques,

astronomiques (polyphones)

 

*

 

Le béton gratté dans les chambres à gaz

avec les doigts

et la montagne grattée par les paysans

du Guatemala (pour se nourrir)

les voici écriture.

 

*

 

Mur parades reconquis où retrouver

les paroles de nuit, celles de jour

les paroles monumentales (et les débats sur les

dictatures)

 

Même l’alphabet étranglé par ses propres racines

( mystiques) renaît sous forme d’ex-votos

sur les murs.

 

*

 

Ils sont tous comme ces anarchistes d’un autre

siècle discutant de l’interprétation newtonienne

de l’apocalypse

*

 

Tous les graffitis meurent debout

ils font du mur où ils sont inscrits, un paysage,

et mourant, ils rendent le paysage illimité

 

Alphabets soumis à la question

et devenant le soleil noir

autour duquel se réunissent

encore les trois pierres du désert

 

-Le feu c’est qui ?

-Cette parole née des caractères à travers

lesquels nous avons essayé de survivre

- n’est-il            plutôt le délire ordonné

de la fausse identité ?

-Cette parole nous la portons, et elle fait

de nous, autant de parcelles d’un univers en sursis

 

 

ANABASE

(la montée de silex de ces pierres

   aux littératures comparées)

 

et toujours la même angoisse

de la chose qui va s’écrire

( autre rêve du Mur, se réveiller parallèle à lui-même )

 

 

ALPHABETS PARALLÈLES

 

-Les lettres formant le nom du chef des sections

anticommunistes settebello reliées à une annonce qui

déclenche l’explosif.

Lorsqu’au cours de son rapport au ministre de

L’intérieur, son nom se trouva formé, il sauta.

 

-L’orchestre K.2( concentrationnaire)

couvrant les cris, les appels, les moteurs

des convois vers la chambre à gaz

Le langage de la détresse naissant des écritures

détournées de l’indifférence (indigence) des autres

 

-Le saut en parachute. Dans le ciel au bout des

suspentes, le corps devient alphabet

Plusieurs sauts l’un à la suite de l’autre c’est

la phrase que parfois la chute libre interrompt.

L’alphabet du ciel se grave sur la terre (quelques

centimètres à peine ) là commence le langage de l’homme

oiseau qu’initia un tailleur autrichien sautant de la

Tour Eiffel

Annexe parmi d autres : le bouquet de fleurs et tout

autour la maison - phrase qu’il laisse entendre

Imaginez les pétales : hampes et jambages sur le

corps de la lettre. Les lettres poussent : elles ont donné

naissance aux alphabets grimpants sur les Murs.

 

*

Les alphabets qui parlent de corps et ceux qui parlent

de l esprit sont impasse l’un pour l’autre et

n’ont d’autre issue que le rassemblement dans les

 hiérarchies nécessaires pour décrire les grands

événement, mais ils prolongent la solidarité

entre femme et terre, entre fertilité et mort.

 

 

LA PARABOLE

 

(Nous avons vécu des siècles sans savoir

qu’elle existait)

Ce cinéaste qui à l’intérieur d’automates

multicolores aux yeux trop beaux pour

pleurer enferme une angoisse d’absolu

qui insidieusement dérègle leurs mouvements

jusqu à ce qu’ils tombent en pièce.

 

 

(Angoisse d’absolu : la lettre.

Sous le monde des étoiles

les lettres sont les derniers

rois-mages qui se promènent 

encore sur les murs).

 

 

ARMAND GATTI - PARIS LE 13 MAI

 

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